Il cherche encore un peu d’eau pour éponger son front brûlant. Il l’entend gémir dans son sommeil agité, et cela brise son coeur à nouveau. Voilà des semaines que cela dure…
Tout a commencé par un simple mal de tête. « Ça va passer », la rassurait-il. Et puis petit à petit, sa fille s’est plainte de douleurs inhabituelles, et les crises se sont multipliées. D’habitude si pleine de vie, elle a cessé d’aller courir dans les champs avec ses frères et n’a plus eu la force de passer du temps en cuisine à discuter avec sa mère. La fièvre s’est installée et ne l’a plus quittée.
Depuis quelques jours, il assiste, impuissant, à son affaiblissement général. Il voit sa fille dépérir sous ses yeux. Elle n’est aujourd’hui plus que l’ombre d’elle-même.
Les médecins n’ont rien pu faire, leurs traitements ne sont d’aucune utilité. Il a pourtant fait appel aux plus renommés d’entre eux. Il les entend murmurer qu’elle n’en a plus pour longtemps… Comment peut-on mourir à l’âge de 12 ans ?
« Jaïrus ! » crie sa femme « Il arrive, près du lac ! ».
Il ? Cet homme dont tout le monde parle. Cet homme qui suscite tant de réactions différentes, entre méfiance et admiration, irritation et expectative.
Faisant fi du qu’en dira-t-on, n’écoutant désormais plus que son instinct de père, Jaïrus se lève et court. Il court comme il ne l’a jamais fait, au risque de trébucher ou de bousculer un passant. Il voit la foule, la traverse comme un fou et se jette aux pieds de cet homme.
Vous êtes-vous déjà retrouvé face à une situation tellement désespérée que vous n’aviez d’autre choix que de supplier Dieu d’intervenir ?
Heureusement, la plupart d’entre nous ne sommes pas confrontés à un contexte si dramatique, le souffle suspendu dans l’attente d’un miracle. Et pourtant, cette histoire bien connue dans les Évangiles m’a interpellée.
12 ans, c’est l’âge où l’on devient adulte, dans le judaïsme. Je pense à ces adolescents, ces « adultes en devenir », qui souffrent autour de moi. Peut-être pas en apparence, mais à l’intérieur d’eux-mêmes.
Changements liés à la puberté, pression des pairs, désir d’autonomie, discours pessimistes de notre société, horizon professionnel bouché, sans parler bien entendu de la pandémie qui fait des ravages non seulement dans les corps, mais aussi dans les esprits…
Et si finalement, j’avais oublié que partout autour de moi, des jeunes sont en proie à la maladie, pas seulement physique, mais aussi mentale et surtout spirituelle ? Suis-je devenue apathique face à leur souffrance silencieuse, à leurs espoirs brisés ou même « morts-nés » ? Est-ce que je réagis encore face aux chiffres toujours croissants de dépression, d’addictions, de harcèlement, de radicalisation, de comportements violents ou d’échecs scolaires ? Me suis-je accoutumée à voir des jeunes chercher des solutions partout ailleurs qu’en Christ, et choisir des chemins qui mènent à la mort spirituelle ?
Nous connaissons la fin de l’histoire de Jaïrus.
Jésus l’a suivi, et sa fille, bien que morte entre-temps, a retrouvé la vie.
Mais je me demande ce qui se serait passé si Jaïrus n’avait pas osé venir déranger Jésus pour sa fille. Et je me demande ce qui se passe lorsque je n’ose pas déranger Jésus concernant ces jeunes en souffrance autour de moi (ou lorsque je n’y pense même pas !).
Jaïrus s’est jeté aux pieds de Jésus, il l’a supplié de venir toucher sa fille afin qu’elle vive. Il a appris une grande leçon de foi et le Père a été glorifié par la suite des événements.
Et nous ? Sommes-nous prêts à venir aux pieds de Jésus et à le supplier de venir toucher la vie de ces jeunes, afin qu’ils vivent ? Voulons-nous grandir dans notre foi et voir le Père être glorifié ?
Faisons notre part, il fera la sienne, dans sa parfaite souveraineté.
Aucun doute là-dessus.
Anne Herrenschmidt Kohler