Je me fais surprendre à chaque fois.
Alors que la grisaille règne, que l’humidité et le froid se sont infiltrés depuis plusieurs semaines dans mes promenades bihebdomadaires au parc, je m’arrête, interdite. Je me penche et je découvre des boutons de crocus qui s’apprêtent à éclore.
J’ai beau être passée à cet endroit quelques jours auparavant, mes yeux n’avaient absolument pas soupçonné leur timide présence, ni celle de leurs acolytes, les perce-neiges.
Il suffit de quelques jours pour que soudain, leur apparition me fasse oublier la morosité de l’hiver.
Il suffit de quelques jours pour que soudain, leur explosion de couleurs annonce l’arrivée d’un printemps tant attendu.
En quelques jours, la vie semble être de retour. Les écureuils reprennent leurs acrobaties dans les branches au-dessus de moi. Une première cigogne croise mon chemin dans l’une des allées du parc. Les pousses des jonquilles pointent le bout de leur nez, tandis que les merles égaient le paysage de leurs mélodies.
J’ai beau savoir que le printemps succèdera inévitablement à l’hiver, je me fais surprendre à chaque fois par ce débordement de vie.
Et si je suis franche, je dois avouer que mon coeur est bien souvent déconcerté lorsque discrètement, mais sûrement, l’action de Dieu devient visible dans mon existence et celle des autres.
Des amorces de réponses rejoignent des prières en apparence inexaucées.
Des épreuves qui semblaient insurmontables perdent de leur brutalité.
Contre toute attente, des relations brisées entament leur restauration.
Des lésions que je croyais irrémédiables se mettent à cicatriser.
Des situations qui me paraissaient inextricables se dénouent.
Des rayons d’espoir se faufilent au creux de mes larmes.
Des traits de caractère bien trempés s’adoucissent.
Des rêves abandonnés reprennent vie.
Le jardinier du parc n’est pas surpris par l’arrivée du printemps. Il sait où il a planté ses semences. Il a préparé la terre à l’avance, pris soin d’arranger le sol pour que les plantes se développent lorsque les conditions idéales seront réunies. Il connaît les êtres vivants qui n’attendent que les premiers rayons de soleil pour reprendre leur joyeux ballet. Il sait que là où tout semble avoir disparu, la vie n’attend plus qu’à éclore.
Aide-moi à te faire confiance, Père.
Tu places des courants d’eau dans le désert.
Tu crées la vie au sein de ce qui est stérile.
Tu es à l’oeuvre dans mon obscurité.
Jamais immobile,
Jamais en retard,
Jamais absent.
Anne Herrenschmidt Kohler, article paru sur Substack