L’évangéliste Marc devait être un homme direct, franc et qui parle sans détour. En tout cas, c’est l’impression qu’il donne au travers de l’Évangile qu’il nous laisse.
Il n’y va pas par quatre chemins. Il annonce la couleur :
Voici le commencement de l’Évangile de Jésus-Christ, Fils de Dieu.
Marc 1:1
Voilà, tout est dit ! Jésus est le Christ. Il est le Fils de Dieu. Il est l’Évangile, la Bonne Nouvelle. Marc se paie même le luxe, dans cette introduction sans fioriture, de faire une allusion à la Genèse. D’un trait de plume, il récapitule tout l’Ancien Testament, toute l’histoire et nous ramène au commencement des temps pour nous dire que Jésus est l’accomplissement de toutes choses. En 7 mots grecs, Marc a tout dit. Et son lecteur, s’il a compris l’ampleur de ce que signifie cette petite phrase, devrait être bouche bée d’admiration: en Jésus tout est accompli.
Marc enchaîne. Jésus apparaît. Pas besoin d’évoquer sa naissance, ni même son enfance. On saute. Il faut aller à l’essentiel. Le baptême et la colombe. Le désert et la tentation. Et puis sa voix, qui fait écho à celle de Jean :
Changez d’attitude et croyez à la bonne nouvelle !
Marc 1:15
Jésus chasse un démon dans une synagogue, puis guérit la belle-mère de Pierre. Et avant que le soir ne tombe, tous les habitants de la ville étaient devant sa porte, demandant à être délivrés ou guéris.
Le lendemain, tout recommence. Sa voix qui proclame la Bonne Nouvelle ; ses mains qui délivrent et guérissent ; les gens se pressent par centaines autour de Jésus, tant et si bien qu’il ne peut plus rester en ville.
Entre ces deux journées décrites par Marc, il y a une nuit. Ou plutôt, une aube. Deux journées similaires. Deux journées pleines de bruits, de mouvements de foule, de gens qui le touchent constamment et dont les yeux disent à la fois la lassitude et l’espoir. Deux journées bien trop pleines. Et cette nuit qui offre une pause, une respiration.
Et que fait Jésus en pleine nuit ? Il se lève. Il sort.
Le lendemain, bien avant l’aube, en pleine nuit, il se leva et sortit. Il alla dans un lieu désert pour y prier.
Marc 1:35
Jésus, le Fils de Dieu, le Christ, le Roi, celui dont Marc vient de nous dire au verset 1 qu’en lui toutes choses ont été récapitulées depuis le commencement des temps : ce Jésus-là prie.
À trois reprises dans l’Évangile de Marc, Jésus prie. Il prie dans le désert au début de son ministère quand les foules le pressent. Il prie sur la montagne après la multiplication des pains. Il prie dans le jardin peu avant sa mort.
Jésus prie. Comment ?
Marc ne nous livre pas grand-chose concernant les prières de Jésus. Mais ce qu’il nous dit vaut la peine d’être entendu.
Il nous dit que Jésus se leva, qu’il sortit, qu’il alla.
Jésus se met en action. Chez Jésus, la prière est un mouvement. Il ne reste pas dans son lit bien au chaud, comme je le fais si souvent au risque de m’assoupir comme certains disciples 14 chapitres plus tard. Non, Jésus se lève et sort.
Dans ce chapitre 1 de l’Évangile de Marc, il y a beaucoup de va-et-vient. On entre, on sort. On entre dans la synagogue. On en sort. On entre dans la maison de la belle-mère de Pierre. On en sort. Les démons eux-mêmes sortent des gens dans lesquels ils étaient entrés. Jésus lui-même évoque sa venue comme étant une sortie : « … c’est pour cela que je suis sorti ». Jésus est sorti du ciel pour venir jusqu’à nous. La prière est une manière de retrouver cette communion avec son Père. Alors, il sort de la maison et va prier.
Ce mouvement m’encourage à voir la prière différemment. Moi aussi, je veux sortir de ma maison terrestre et entrer en communion avec Celui, qui par Christ, est devenu mon Père. La prière, c’est un peu comme entrer dans la maison du Père. Comme cette intimité devait manquer à Jésus, lui qui était sorti de son ciel et qui n’y reviendrait qu’en passant par la croix !
Jésus prie. Quand ?
Pour une fois, Marc répète. Ou plutôt il précise. Lui qui d’habitude est si avare de mots, détaille.
Le lendemain, bien avant l’aube, en pleine nuit, il se leva…
Les journées de Jésus commencent tôt. Pas parce que la foule le dérange aux aurores. Pas parce que Jean le réveille pour lui poser des questions. Pas parce que la belle-mère de Pierre est déjà en train de mettre la table pour le petit déjeuner. Les journées de Jésus commencent avant tout ça. Elles commencent quand tout le monde dort encore.
Jésus met à part, pour la prière, le meilleur moment, celui où il est certain d’être tranquille. Il ne sera pas tranquille à 7h. Encore moins à 10h. Toujours pas à midi. Et très peu probablement avant 21h.
En fonction de mes saisons de vie, le moment le plus tranquille de ma journée a varié. Jeune, c’était le soir. Avec des enfants en bas âge, c’était pendant leur sieste. Maintenant, c’est le matin tôt. Parfois bien avant l’aube, quand les enfants dorment encore. J’ai souvent eu du mal à offrir ce moment de tranquillité à Dieu, parce que j’aurai eu envie d’en faire autre chose. C’est parce que, trop souvent, j’ai pensé que la prière était un don que je faisais à Dieu ; alors qu’en réalité, c’est un cadeau qu’il me fait, lui.
Ce que Marc nous dit avant tout, c’est que Jésus priait au début de son ministère (Marc 1). Qu’il priait au milieu de son ministère (Marc 6). Qu’il priait encore alors que son ministère terrestre s’achevait (Marc 14). Jésus priait constamment. Et si Jésus, mon Seigneur, mon Dieu, avait besoin de l’intimité de la prière, à combien plus forte raison en est-il ainsi pour moi.
Jésus commence sa journée par quelque chose qui, à nous occidentaux du XXIe siècle, nous semble improductif. Inefficace. Et pourtant, la Bible nous rappelle non seulement, que la prière a une grande efficacité (Jacques 5.16), mais aussi que le ministère de prière de Jésus n’a pas pris fin. Jésus prie encore constamment pour ceux qu’il aime (Romains 8.34, Hébreux 7.25).
Jésus prie. Où ?
Dans le désert. Dans la montagne. Dans le jardin.
Des lieux chargés de connotations. Le désert : terre de solitude, de tentation, de cheminement vers la terre promise. Terre d’exil aussi. La montagne : lieu de rencontre entre la terre et le ciel, où Dieu se manifeste en donnant sa loi. Le jardin : endroit clos rempli du souvenir d’Eden et de la promesse de bons fruits. Jésus prie n’importe où, pourvu qu’il puisse se trouver seul — c’est-à-dire sans autre humain.
Jésus n’a pas besoin d’un temple pour prier.
Jésus sort. Il va dans le désert. Monte sur la montagne. Rejoint le jardin. Jésus est descendu sur terre pour que je n’aie plus besoin de monter sur une montagne pour l’adorer (Jean 4.19-24). Il a été cloué sur une croix à ma place pour que je cesse d’errer dans le désert de l’exil spirituel (Romains 8.38-39). Il est ressuscité pour m’ouvrir le seul et unique chemin qui mène à un jardin plus beau et plus parfait que ne l’était Eden parce qu’aucun serpent ne pourra jamais y entrer (Apocalypse 21.27).
Jésus prie. Pour quoi ?
Ce sont les disciples qui interrompent le temps de prière de Jésus. Marc ne nous a pas livré le contenu de la prière de Jésus. Mais il nous offre les paroles qui suivent ce temps d’intimité avec son Père :
Allons ailleurs…
Marc 1:38
Aller ailleurs. C’est peut-être cela que permet la prière : une redirection, une réorientation de nos pas.
En tout lieu et en tout temps, Jésus, le temple de Dieu, m’invite à me lever, à sortir de mon quotidien et à prier pour discerner le prochain pas, le prochain village, la prochaine rencontre.
Alors, prions !
Miryam Lott